Événement en Massif Central
Date
Horaires
Type d'Événement
Lieu
Conférence & conversation – Turbulences adolescentes
Turbulences adolescentes
Le samedi 8 juin 2024
Avec Philippe Lacadée
Psychanalyste, membre de l’ECF et de l’AMP
Conférence à 10h30
Maison des associations, Aurillac
8, place de la Paix
Salle n°1, rez de chaussée
Entrée : 12 euros, étudiants et sans emploi : 8 euros
Conversation à 14h30
Librairie Point-Virgule, Aurillac
Renseignements : acfenmc.aurillac@gmail.com
Entrée : 5 euros
Argument
Si les turbulences adolescentes se mettent en scène dans la famille, à l’école ou dans la rue, elles sont à prendre au sérieux. Il est arrivé à Lacan, à propos des évènements de mai 68, qu’il qualifiait d’« émoi de Mai[1] », voire d’émoi-symptôme de parler d’ « effets de turbulence[2] ». Il donne ainsi une « idée de ce qui se passe un peu partout et qu’on ne saurait réduire à des effets de turbulence[3] ». Si ça se produit partout, que les sujets sont remuants, c’est selon ce qui ne va pas dans chaque endroit[4]. S’il y a toujours là quelque chose qui ne va pas, il s’agit de préciser, pour chacun, le lieu de cet endroit d’où le sujet se met à s’agiter.
Situer cette turbulence à son point d’origine, dans sa chambre d’enfant, au niveau de son corps ou de sa pensée, permet, dans une expérience de parole, de saisir comment un enfant ou un adolescent répond à ce qui s’agite en lui dans sa solitude. Il s’agit, dès lors, de lui offrir la chance inventive de s’en faire responsable afin qu’il en saisisse des effets de vérité, bien au-delà de recevoir de l’Autre un simple diagnostic prédiquant sur son être tout en l’irresponsabilisant.
À l’automne 2005, nous étions stupéfaits devant cette jeunesse turbulente des banlieues françaises, qui brûlait, dans des violences urbaines anarchiques et désespérées, ce qui aurait dû être son printemps. La force turbulente toujours en mouvement, propre à l’adolescence, incarne le feu de la jouissance. Cette fièvre de la révolte se métamorphosa plus tard en brûlure de l’e-meute de 2023 quand, à l’anonyme « Regardez-les jouir[5] » a répondu, au-delà de la honte, dans les réseaux sociaux, un « regardez-nous jouir ». Si la honte ne suffit plus à réfréner, certains se trouvent chargés du malheur que leur destin ne soit plus rien. La brûlure contaminant la fièvre médiatique révèle, de nos jours, des sujets hypnotisés par la virtualité de leurs écrans. L’insupportable se fait en-corps plus féroce et se loge dans l’instant immédiat de l’adolescent augmenté d’un objet-portable qui, toujours désuet, peut très vite se réduire, comme lui, à un déchet. Plus connecté à internet et l’i-médiatisation du post de sa vidéo qu’à son inconscient, pressé par l’absence de refoulement, le jeune parle la langue 2.0 en s’y virtualisant. Le nouage nocif de la pulsion de mort et d’un mésusage des réseaux sociaux mène à la création de groupes spontanés, comme en témoignent les violences récentes devant ou dans les collèges.
Irruption d’un événement inédit, hors-sens, la turbulence de l’insulte et de la violence s’organise autour de l’autre, comme soi-même, réduit à un simple objet dont je fais ce que je veux. Si aucun crédit n’est plus accordé à la langue articulée à l’Autre, il paraît important d’inventer des lieux pariant sur la rencontre et la conversation, afin d’offrir la possibilité d’inventer d’autres réponses dans la rencontre toujours singulière avec un réel insupportable.
[1] Lacan J., Le Séminaire, livre XVI, D’un Autre à l’autre, texte établi par J.-A Miller, Paris, Seuil, 2006, p. 240.
[2] Lacan J., Le séminaire, livre XV, L’Acte analytique, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil/Le Champ freudien, 2024, p. 277.
[3] Ibid.
[4] Ibid, p. 277 : Lacan fait référence à un article de Raymond Aron, paru le matin du 15 mai 68, dans un journal.
[5] Lacan J., Le Séminaire, livre XVII, L’envers de la psychanalyse, texte établi par J.-A Miller, Paris, Seuil, 1991, p. 240.